Messes des jours en semaine T. O. :  DIX-HUITIÈME SEMAINE


INDEX

LUNDI DIX-HUITIÈME SEMAINE
MARDI DIX-HUITIÈME SEMAINE
MERCREDI DIX-HUITIÈME SEMAINE
JEUDI DIX-HUITIÈME SEMAINE
VENDREDI DIX-HUITIÈME SEMAINE
SAMEDI DIX-HUITIÈME SEMAINE

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Mt 14,16ss: "Donnez-leur vous mêmes à manger." "Nous n'avons là que cinq pains et deux poissons. " Jésus leur dit: "Apportez-les-moi ici."

 

LUNDI DIX-HUITIÈME SEMAINE
Mt 14,13-21

Introduction
Un principe liturgique affirme que ce qui est proclamé dans liturgie de la Parole s’accomplit dans la liturgie de l’Eucharistie. C’est très clair aujourd’hui : d’une part multiplication des pais ; de l’autre, accomplissement du Dernier Repas. Préparons-nous à y entrer en demandant pardon de nos péchés.

Pour l’homélie
            Contexte.- Six récits de multiplication des pains qu’il faut comprendre comme le grand prix attaché à ce récit par les premières communautés chrétiennes. Malgré le rejet de Jésus par les nazaréens et la fin tragique du Précurseur les foules se pressent autour de Jésus qui prend pitié d’elles. Mt a concentré ce récit sur les foules et l’attitude de Jésus à leur égard : un nouveau peuple se rassemble où l’on ne rencontre probablement pas beaucoup de gens de Nazareth ni de familiers d’Hérode. Jésus est celui qui commande (donnez-leur, v. 16 ; apportez-moi, v. 18 ; ordonnant aux foules, v.19), il est aussi celui qui prend pitié (v.14) ; et qui rend grâce avec humilité (v. 19).

            Interprétations.- Rationaliste : Jésus a partagé, les autres ont imité ; il y en avait peu, mais tous on peu mangé. Mythologique : amplification légendaire de la multiplication du pain par Élisée (2 R 4,42-44). Symbolique : représentation symbolique de l’enseignement de Jésus. Apocalyptique : avant goût du repas messianique dans le royaume imminent. Sociale : Jésus a aidé les hommes et il veut que l’Église fasse de même. Un jour viendra où les hommes n’auront plus faim. Eucharistique : Jésus préparait les disciples à croire, un jour, que son corps et son sang seraient distribués en nourriture. Intentions des évangélistes : vocabulaire semblant aux récits de l’institution. Ecclésiastique : Le Christ rassembleur du Règne de Dieu.

            ♦ vv.13-14.- Se retira (άναχωρείν, anajorein) retraite prudente en bateau dans un endroit désert, c’est-à-dire éloigné des grandes villes, dans les collines. Il faut noter que d’après Mt ce sont ces mêmes multitudes et non une sélection d’entre elles, qui vont être rassemblée et nourries par Jésus. On peut se demander si certaines expressions ne font pas allusion à des pratiques chrétiennes. Ces foules vont se disperser, et réapparaîtront dans de contestes qui montreront leur méconnaissance de Jésus.

            ♦vv. 15-17.- Le soir venu… Ni les disciples ni Jésus ne songent pas à « sauter » le repas principal de la journée (vers 17 h) ; malgré l’enseignement reçu et les guérisons accomplies, nous ne sommes pas dans une atmosphère ascétique ou spiritualiste. Le pain et le poisson sont la nourriture de base du petit peuple galiléen. « Les pauvres mangeaient pain d’orge, les riche pain de blé » (Daniel ROPS).

            ♦ vv. 18-21.- Jésus dit : Apportez-les-moi ici. Il faut se souvenir du geste du père de famille pieuse, accompli tous les jours, en prenant le pain dans ses mains, prononçant sur lui une action de grâce, rompant en autant de morceaux qu’il y a de participants au repas et les leur donnant. Allusion au dernier repas. L’idée de rassasiement, fait allusions au repas dans le Règne messianique.

            Sans femmes ni enfants souci de précision juive, mais qui ont eu leur part au repas. Jésus rassemble avec puissance le nouveau peuple de Dieu ; le fait de la multiplication des pains est secondaire : le récit aurait la même signification si Jésus avait eu assez de provisions pour tout le monde. Aucun souci de Jésus pour « trier » personnes qui mangent ensemble ; ni pour le lavement des mains préalable. Le fait que les foules avaient faim n’est pas souligné ; par contre, ce sont des foules dispersées, souffrantes, sans berger, maintenant rassemblée, réunies et nourries par Jésus comme elles le seront dans le Royaume.

Passage au rite
            Jésus va faire pour nous comme il la fit pour les foules galiléennes, et même plus. Nous savons en quel sens. Ayant conscience de notre situation privilégiée… mais pas encore dans le Royaume, où le sacrement n’existera plus.

Pour le Notre Père
            « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ». Un pain reçu de la terre, offert comme le corps du Christ nous sera donné en nourriture, pour soutenir le cheminement… Disons comme nous l’avons appris.



MARDI DIX-HUITIÈME SEMAINE
Mt 14,22-36

Introduction
            Moïse intercédant pour ses frères Aaron et Myriam, est image de Jésus qui sauve Pierre des eaux redoutables et « la multitude, de ses péchés ». Nous aussi, qui appartient à la « multitude » nous avons besoin de l’intercession de l’unique Sauveur pour recevoir le pardon de nos péchés.

Pour l’homélie
            Contexte.- Ici comme dans la péricope précédente les disciples se trouvent seuls et démunis avec Jésus. Jésus les secourt in extremis par un geste de souveraine autorité sur les choses ; ici, le vent (v. 32) ; là, les cinq pains et les deux poissons. Mt a fait de ce récit une illustration de la condition du disciple du Christ, partagé entre la crainte ou la terreur (v. 26 : les disciples furent bouleversés) et la foi (v. 28-29 : Seigneur, si c’est bien toi), mais une foi qui reste menacée par les eaux du doute (v. 30-32 : voyant qu’il y avait du vent, il eut peur). Ce récit de miracle illustre également la condition difficile, et pourtant victorieuse par la foi, des disciples du Christ dans le monde. Le cri de Pierre est un appel au secours sur l’ordre du Sauveur (Viens ! v. 29), ce n’est pas de la confiance en soi ni de l’enthousiasme.

            ♦ vv. 22-23.- Les disciples sont nettement distingués des foules surtout parce que le Christ les maintient auprès de lui et en fait des collaborateurs occasionnels. Jésus doit forcer es disciples à partir sans lui. Le Christ matthéen demeure absolument maître de tous les mouvements des acteurs. La prière solitaire de Jésus suit ou précède ses actes importants, moins fréquente que dans Mc et surtout que dans Lc ; cette prière (personnelle ou selon les prescriptions juives) reste inscrite dans la vie de prière du peuple.

            ♦ vv. 24-27.- La barque était déjà… Jésus vint… la peur leur fit pousser des cris… N’ayez pas peur. Malgré les arrangements de Mt sur Mc, les paroles de Jésus sont exactement les mêmes d’une part et d’autre.

            Un stade, ce sont 185 m. La quatrième veille de la nuit : de 3 h à 6 h. (1ère veille: 18-21 h ; 2ème : 21-24 h ; 3ème : 24-3 h). Mt concentre le récit sur la personne du Christ dont les disciples vont devoir découvrir à nouveau, non sans peine ni hésitation, l’autorité souveraine et la voix apaisante. Il y a eu des exégètes qui on pensé à un récit d’apparition du Ressuscité et/ou à la Transfiguration. Θαρσείν (tharsein) : reprendre courage, se calmer, après une frayeur, une émotion, un découragement ; aussi prendre courage en prévision de malheurs, persécutions, etc. L’homme de l’A. T. est une faible créature que Dieu et frères doivent soutenir.

            ♦ vv. 28-31.- Pierre prit alors la parole. Dialogue Pierre et Jésus. Trois interprétations : 1) Pour relever la prééminence de Pierre sur les autres disciples (pas tout à fait admissible) ; 2) Pierre est le disciple type : dans son amour pour Jésus et l’insuffisance de la foi ; 3) Pierre est l’homme qui confond l’enthousiasme un peu prétentieux avec la foi et ne doit son salut qu’au geste sauveur de Jésus. D’après BONNARD, il faudrait choisir entre la 2ème et la 3ème interprétation.

            ♦ vv. 32-33.- Et quand ils furent tombés dans la barque… Mt simplifie mais il fait apparaître que les disciples se prosternent devant Jésus et ils reconnaissent qu’il est vraiment fils de Dieu.

            ♦ vv. 34-36.- Les gens de cet endroit… Les gens de l’endroit (les hommes) reconnaissent Jésus, non au sens de la foi. Sur l’attouchement, Jésus les a autorisés. Jésus n’a pas toujours exigé une foi explicite chez ceux qu’il voulait guérir.

Passage au rite
            J’imagine Jésus en étendant son bras vers le bas pour prendre la main de Pierre. J’imagine aussi la célébration eucharistique comme un geste pareil de Jésus à l’égard de la communauté pour nous sauver.

Pour le Notre Père
            « Seigneur, sauve-moi ! » a crié Pierre qui est allé sur la mer parce que Jésus lui a dit d’y aller. Il nous a dit de prier avec ces mots qui expriment notre reconnaissance de la grandeur du Père et notre faiblesse à nous.



MERCREDI DIX-HUITIÈME SEMAINE
Mt 15,21-28

Introduction
            La foi d’une femme d’origine païenne a fait changer les projets de Jésus. Puissions-nous, par notre foi, faire accomplir sa volonté de sauver tout le monde. Qu’il nous sauve de nos péchés, par son pardon.

Pour l’homélie
            Contexte.- Dans le comportement de Jésus, c’est une grave question posée à l’église matthéenne des années 80 qui est ici débattue ; les paroles et les gestes de Jésus sont racontés pour guider les communautés chrétiennes dans leurs options historiques, et non point pour alimenter des souvenirs sentimentaux sur Jésus. Dans cette perspective le sens de cet admirable récit pourrait être le suivant : les païens ne sauraient prétendre à un accès immédiat au salut (à la vie de l’Église, au Royaume) ; mais s’ils croient, comme cette femme a cru, cet accès ne peut leur être refusé.

            Remarques.- 1) Le cri de la femme (Aie pitié de moi, Seigneur, fils de David) est une expression nettement juive ; Mt s’adresse à des judéo-chrétiens. 2) La foi de cette femme ne réside pas dans l’invocation de Jésus comme fils de David ; mais dans son humble insistance. « Humble » parce qu’elle reconnaît la première place au peuple juif. 3) Mt seul fait intervenir les disciples entre Jésus et la femme, signe de préoccupation ecclésiale et pastorale. 4) Le v. 24 (Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël) ne peut pas être la pointe du récit, mais une étape, provisoire, dans le comportement de Jésus. (Voir J. JEREMIAS, Jésus et les païens, 1956, p. 24). « De même qu’on ne doit pas nourrir les chiens aux dépens des enfants, de même Jésus ne doit pas avantager les païens aux dépens d’Israël… Il ne cède à la prière de la femme qu’après qu’elle a reconnu la séparation ordonnée par Dieu entre le peuple de Dieu et les autres peuples. Cette séparation est sacrée. »

            ♦ vv. 21-22.- Jésus s’était retiré à région de Tyr. Ces localisations ont plutôt une portée théologique : le Christ matthéen prend contacte avec les païens qui peuplaient ces contrée, où vivaient d’ailleurs de très nombreux juifs (voir Mt 11,21 : Malheureuse es-tu, Chorazin! Malheureuse es-tu, Bethsaïda!). Les Phéniciens s’appelaient eux-mêmes Cananéens. Cette femme n’est donc pas une israélite vivant en pays païen mais, comme présuppose la suite du récit, une païenne au courant de l’activité de Jésus et peut-être avec quelques bribes de foi juive ; il ne faut pas trop s’étonner de la voire faire appel à Jésus en l’appelant fils de David. La foi que Jésus admirera au v. 28 est plutôt celle qui s’exprime dans l’humble réponse du v. 27 « C’est vrai, Seigneur, mais justement, les petits enfants mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. »

            ♦ vv. 23-24.- Mais il ne lui répondit rien… Je n’ai été envoyé qu’aux… Passage propre à Mt. D’une part, il fait intervenir les disciples figure des membres de l’église judéo-chrétienne réticente à l’égard de l’accession des païens au salut ; ensuite il place aux lèvres de Jésus le v. 24 une déclaration de principe semblable à celle de 10,6 (« Allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d'Israël »). « L’authenticité de Mt dans 15,24 ne peut guère mise en doute, une parole aussi particulariste devrait être profondément choquante pour l’église qui, depuis l’époque paulinienne, avait commencé son activité missionnaire parmi les païens. Ce n’est sans doute par hasard que Mt 15,24 (de même que la parole analogue Mt 10,5s) manque chez Mc et chez Lc. Si Mt rapporte ce logion, en dépit de son caractère choquant, c’est qu’il était soutenu par l’autorité du Seigneur » (JEREMIAS, op. cit. p 22).

            Le génitif de la maison d’Israël peut être compris, soit comme certaines brebis d’Israël (génitif partitif) ; soit comme toutes les brebis d’Israël considérées alors perdues dans son ensemble.

            ♦ vv. 25-27.- Mais elle vint se prosterner… la table de leurs maîtres. Jésus ne cède à la demande de cette femme païenne que lorsqu’elle a explicitement reconnu la priorité de droit d’Israël au salut ; c’est cette reconnaissance qui constitue sa foi : elle a compris que Jésus n’est un thaumaturge quelconque agissant individuellement mais le ministre d’un dessin de Dieu qui intéresse d’abord au peuple élu. Ce dialogue ne met rien moins en question que l’essence de la révélation évangélique : * Ou bien Jésus est une grande personnalité morale et religieuse qui, à ce titre, ne peut qu’apporter un réconfort à quelques admirateurs ; ** ou bien, il est au service d’un dessin historique qui intéresse l’aventure humaine dans son ensemble. Son particularisme est gage de son universalisme. *** Ce dialogue serait judaïsant s’il imposait à la Syro-phénicienne des conditions légales juives (purification, baptême des prosélytes, confession de foi, etc.) comme préalable au geste sauveur de Jésus ; mais tel n’est pas le cas : à l’humble insistance de sa foi (seule !) répond toute la grâce du Christ.

            On peut penser à saint Paul dans Rm 9 – 11 ; le privilège historique d’Israël est maintenu contre toute idéalisation ou généralisation de l’œuvre du Christ ; d’autre part la grâce est accordée gratuitement aux païens ; l’opposition petit chiens / enfants ou maîtres décrit non deux catégories psychologiques ou sociales, mais la priorité historique et juridique. Le geste de Jésus à l’égard de cette femme montre assez que ces « chiens païens » vont avoir part à l’intégrité du salut.

            ♦ v. 28.- Comme en 8,10 (Centurion) Jésus admire la foi, et rien que la foi, de cette païenne. Il a accompli un geste souverain et prophétique qui annonce l’accession prochaine des païens au salut.

Passage au rite
            Puissions-nous avoir la foi, la simplicité de cette femme, et son respect pour le peuple Juif, pour que notre cœur puisse recevoir tout ce que le Seigneur nous fait partages à chaque Eucharistie.

Pour le Notre Père
            Le Baptême a fait de nous enfants de la maison assis tout autour de la table familiale de la communauté chrétienne. Aucun mérite de notre part. A celui qui sait donner de bonnes choses à ses enfants nous osons demander le pain de ce jour, comme Jésus nous l’a enseigné.


JEUDI DIX-HUITIÈME SEMAINE
Mt 16,13-23

Introduction
            Faire jaillir de l’eau d’un rocher ; faire jaillir la vie de la mort. Voila autant de choses impossibles pour les hommes… pas du tout pour Dieu. Célébrer l’eucharistie demande cette capacité (cette foi) de croire au Dieu surprenant auteur de choses impossibles pour le salut des hommes.

Pour l’homélie
            Contexte.- * Un point de vue.- Milieu et charnière de la narration évangélique. Car : pour la première fois Jésus interroge ses disciples sur sa personne ; et Pierre confesse explicitement sa messianité. Pour la première fois, Jésus annonce ses souffrances et sa résurrection. A partir de ce moment le récit se concentre sur le thème de la Passion. ** Autre point de vue.- Du point de vue de la pensée, le fait sans doute le plus inattendu, et le plus important, est la coïncidence dans une même péricope centrale, des récits de la confession messianique de Pierre et de l’annonce de la Passion par Jésus. Cette péricope fait partie de l’introduction narrative au ch. 18. Quel serait le thème commun à ces récits introductifs au ch. 18 ? Parce que les disciples suivent un Messie souffrant et non triomphant, ils doivent savoir accueillir les petits et se pardonner mutuellement.

            ♦ v. 13.- Jésus était venu dans la région de Césarée-de-Philippe. Dans ces régions peuplées majoritairement de païens Jésus pouvait poser la question messianique avec moins de risques d’agitation nationaliste qu’en Galilée. Cette première question de Jésus, au sujet de l’opinion publique, n’est là que pour introduire celle qui va être adressée aux disciples. Le Fils de l’homme : Jésus est à la fois le Révélateur des derniers jours (Fils de l’homme, Christ, Fils de Dieu) et un homme qui s’avance au-devant de la solitude et de la mort.

            ♦ v. 14.- La réponse des disciples revêt, malgré la diversité, une unité typiquement juive et biblique personne ne croit que Jésus est une individualité exceptionnelle détachée de l’histoire du peuple d’Israël. On attendait le Messie tourné autant vers le passé que vers l’avenir.

            ♦ vv. 15-16.- Et vous, que dites-vous que je suis ? « Dites » : non ce que vous ressentez, ni ce que votre intuition vous suggère. [Pourrait-on dire que Jésus demande : Quelle est votre « profession de foi » sur moi ?] Qui je suis. La pensée du texte est probablement celle-ci : les hommes voient clair en tenant Jésus pour un envoyé de Dieu, mais ils méconnaissent le caractère absolument décisif de sa mission. Et vous n’avez rien d’autre à dire à mon sujet ? Pour l’addition de Mt au texte de Mc le Fils du Dieu vivant, plusieurs interprétations : mais, Christ et Fils de Dieu, dans ce contexte sont deux termes de valeurs équivalentes désignant l’envoyé eschatologique de Dieu pour le salut des  hommes ; et la suréminente autorité de Jésus. La mention du Dieu vivant (également propre à Mt) désigne Jésus comme le représentant (qui rend présent) du Dieu qui intervient dans l’histoire pour juger et sauver son peuple. Vivant, par opposition à l’impuissance des idoles muettes.

            ♦ v. 17.- Caractère sémitisant de ces mots : heureux, béatitudes. Objet de révélation : car c’est de l’initiative    divine ; car cette révélation comporte un caractère doctrinal. Barjona, probablement équivalent à cananéen (anarchiste, révolutionnaire, comme il est dit de l’autre Simon), plus qu’à « fils de Jean ». La suite des mots de Pierre manifeste que c’était cette idée celle qu’il avait du Messie : très nationaliste.

            ♦ v. 18.- Pierre, n’était pas connu comme nom avant l’ère chrétienne. Jésus bâtira son église sur la personne de Pierre en tant que confesseur du Christ (non sur sa foi, ou sa confession). Remarques : 1) Le Christ matthéen garde l’initiative et l’autorité de cette construction. 2) Le futur, c’est le temps qui suivra sa mort et résurrection. 3) Cette église (qaal) c’est la communauté messianique déjà rassemblée par Jésus, qui, après sa mort, annoncera son nom aux hommes. 4) Cette parole du Christ correspond à sa déclaration de construction ou reconstruction du Temple. 5) Cette parole du Christ ne s’adresse qu’à Pierre ; aucune mention de ses successeurs. 6) Les derniers mots Jésus disent que le pouvoir de l’Hadès (non l’enfer) ne pourra retenir dans la mort ceux qui appartiennent à la communauté messianique. Idée juive : les membres de la communauté messianique des derniers jours ne seraient point « retenus » par la mort.

            ♦ v. 19.- Je te donnerai… Ce futur donnerai se rapporte à la même signification que le futur de « je bâtirai ». Je veux donner autant de fois qu’il sera nécessaire, pas une fois pour toutes. La clé ne fait pas allusion au portier, ni a des pratiques magiques, mais à une autorisation, un pouvoir fondé sur un enseignement. Le Christ matthéen promet à Pierre l’exercice de l’autorité sur le peuple de Dieu, autorité d’enseignement, de confesseur et, par là même, pouvoir d’exclure ou d’introduire dans le Royaume. Ce pouvoir en Jn 20,23 et Mt 18,18 est celui de l’absolution des péchés.

            ♦ v. 20.- Alors, il ordonna aux disciples de ne dire à personne… Ce n’est pas la première fois qu’apparaît cet ordre de silence. Ici il a deux particularités : 1) Il s’adresse aux disciples (et non aux malades guéris) ; 2) suit la confession de Pierre. Plus profondément, d’après les versets suivants, une compréhension de cette messianité particulière ne pouvait être donnée qu’à ceux qui accepteraient de partager les souffrances du Christ.

            ♦ v. 21.- A partir de ce moment… Quelques remarques sur l’annonce de la Passion. 1) La déclaration messianique ne serait que l’introduction à cette annonce. 2) Jésus commença. Il ne s’agit pas de montrer une progression psychologique, mais elle montre des étapes. 3) Jésus montre (Mc enseigne) la nécessité des souffrances. 4) Cette nécessite tient au dessin de Dieu, impénétrable aux incroyants mais perceptible à la foi. Les évangélistes montrent comment Jésus devait aboutir à la croix, comment sa destinée, dans des conditions historiques et psychologiques données, fut « naturelle ».

            ♦ vv. 22-23.- Remarquer la violence des termes employés pour réprimander Pierre. L’évangéliste n’entend pas raconter un malentendu passager et vite dissipé. Le contexte (confession, annonce) lui donne une gravité exceptionnelle. Hypothèses : 1) Intention de combattre l’autorité de Pierre. 2) Montrer le caractère ambigu de la confession et l’incapacité d’y être conséquent. 3) Montrer la gravité de la tentation messianique juive qui refuse même l’idée de la Passion. Cette (3ème, comme la 2ème) interprétation convient mieux au contexte matthéen. Allusion à la tentation du désert (Mt 4,10), avec la même réaction de Jésus.

Passage au rite
            Participons à la messe avec un esprit tout à fait contraire à celui de Pierre.

Pour le Notre Père
            Ne nous soumets pas a la tentation de ne pas croire au Christ sans la Croix / Résurrection...



VENDREDI DIX-HUITIÈME SEMAINE
Mt 16,24-28

Introduction
            Préparons-nous à célébrer les exploits du Seigneur, en faveur des hommes, à partir du peuple élu, pour parvenir au peuple de la nouvelle Alliance ; exploit dont le sommet a été la résurrection du Christ. Demandons-lui pardon de nos manques de confiance.

Pour l’homélie
            Contexte.- Trois paroles centrées sur l’idée de renoncement et de souffrance avec Jésus (vv. 24, 25, 26) ; et deux déclarations de Jésus sur sa gloire prochaine (vv. 27, 28). La cohérence théologique de la péricope apparaît en ce que les expressions renoncer à soi-même, porter sa croix, perdre ou gagner sa vie, et l’évocation finale du jugement dernier sont mises au service de celle qui les résume et les introduit : suivre Jésus.

            ♦ v. 24.- Si quelqu’un veut marcher dernière moi. Les trois conditions sont adressées aux disciples ; ni aux apôtres seuls ; ni des prétendants à « la perfection ». Le contexte général et la remarque précédente montrent que les mots si quelqu’un veut… ne sont pas dubitatifs mais affirmatifs de la portée du cheminement sur les pas de Jésus. Les trois verbes (se renoncer, se charger, suivre) peuvent être compris : * soit qu’ils décrivent des conditions (préalables selon certains) que Jésus met à l’existence du disciple (catholique) ; ** soit qu’ils décrivent en quoi consiste cette vie de disciple (protestante et préférable).

            Se renoncer : celui qui veut suivre Jésus a trouvé un nouveau centre à sa propre vie ; l’homme reste lui-même mais il ne s’appartient plus. Porter sa croix, il ne fait pas allusion à sa propre mort mais au signe que portaient les juifs repentants selon Ez 9,4ss. Les disciples qui suivent Jésus doivent être attentifs au fait que leur maître va être rejeté et bafoué par son peuple et qu’ils doivent s’attendre, s’ils veulent lui rester fidèles, à être dangereusement compromis par sa destinée dramatique. La destinée du Maître devient de plus en plus inquiétante pour ceux qui le suivent.

            ♦ v. 25.- Sauver sa vie, c’est abandonner Jésus sur le chemin de la croix et, par là même, ne plus avoir part au salut qu’il apporte ; par contre perdre sa vie, c’est-à-dire la risquer, peut-être jusqu’à la mort, pour demeurer avec le Christ, c’est la trouver. Cette parole joue sur le double sens du mot âme (au sens hébraïque de souffle de vie, c’est-à-dire de vie). Ce mot désigne d’abord la personne concrète qui cherche à se sauver en refusant le martyre ; mais il désigne aussi le vie éternelle au sens johannique ; pour gagner la vie éternelle il faut oser risquer sa vie, son souffle, son sang. Les deux vies sont intimement solidaires. À cause de moi : pour me rendre témoignage ; trouver au sens eschatologique.

            ♦ v. 26.- Quel avantage en effet… Le sens du mot âme (ψυχή, psyjé) c’est le même qu’au verset précédent. Il ne s’agit pas d’une distinction dualiste (biens matériels / âme spirituelle), mais de l’opposition temporelle entre ce monde destiné à passer et la vie à la fois actuelle et éternelle du croyant. Ces versets soulignent le peu de cas qu’il faut faire de cette vie lorsqu’il s’agit de suivre le Christ, et l’impuissance de toutes les richesses de ce monde lorsqu’il s’agit de gagner la vie (éternelle).

            Gagner le monde : l’ensemble de choses créées sans accent péjoratif. Il n’y a dans le monde qu’une seule possibilité de sauver ou gagner sa vie : suivre le Christ.

            ♦ vv. 27-28.- Car le Fils de l’homme va venir… Confirment le sens eschatologique donné aux trois versets précédents. C’est parce que le Fils de l’homme (Jésus) viendra un jour dans la gloire qu’il importe de ne reculer aujourd’hui devant aucun sacrifice, fût-il celui de la mort, pour le suivre. Suivre Jésus, ce n’est pas avoir honte de lui ni de ses paroles devant les hommes. Selon sa conduite ce sont les paroles pour ou contre le Christ souffrant. Pour insister sur l’appel à suivre le Christ souffrant, Mt insiste sur le caractère imminent de sa venue en gloire. Les variantes dans les textes parallèles montrent les scrupules des premiers catéchistes à enseigner l’imminence de la parousie après les années 70. L’exégèse moderne voit dans la parole de Jésus une annonce, non de la Parousie mais de la Transfiguration. Il faut admirer la puissance de conservation de la tradition primitive qui est parvenue à garder ici le souvenir d’une parole de Jésus qui était déjà démentie par les faits au moment de sa fixation littéraire dans l’évangile.

Passage au rite
            Suivons Jésus, pendant le Liturgie de la Parole, afin de le trouver, lui, source de vie, dans la Liturgie    eucharistique : présence sacramentelle donnée en offrande au Père, en communion aux frères.

Pour le Notre Père
            Dans une certaine mesure la promesse de rencontrer Jésus en gloire s’accomplit pour nous, aussi dans la communion. Préparons-nous-y avec la prière que Jésus nous a enseignée.



SAMEDI DIX-HUITIÈME SEMAINE
Mt 17,14-20

Introduction
            Préparons-nous à la célébration. Nous allons rencontrer Jésus dans la parole de Dieu. On dirait qu’il est aujourd’hui de mauvaise humeur. Il n’en est rien. Il se plaint du mal que nous faisons nous-mêmes. Disons-lui notre confiance dans le pardon qu’il veut nous accorder.

Pour l’homélie
            Contexte.- À la suite de la transfiguration, qui a été « sautée » ainsi que la question sur la venue d’Élie, Mt, plus que Mc, fixe l’attention sur l’ « essentiel » : il le voit dans les paroles de Jésus sur la foi, ou plutôt sur l’absence de foi de cette « génération » et des disciples.

            ♦ v. 14.- Un homme s’approcha, et tombant à terre. Polarisation sur les deux personnes principales du récit : Jésus et un homme. Dans Mt l’homme est, soit un homme concret rencontré par Jésus ; soit, au pluriel, le monde des hommes opposé à celui de Dieu. Façon de parler typiquement juive. Le verbe γονυπετείν (gonypetein) signifie supplier quelqu’un à deux genoux. Ce geste témoigne-t-il de la foi de cet homme en Jésus ? La suite du texte paraît indiquer qu’il exprime plutôt une supplication tout humaine et païenne.

            ♦ v. 15.- Seigneur, prends pitié… Ses mots se ressemblent à ceux de la syro phénicienne. Ελέησον c’est tout à la fois, confesser son impuissance et demander un geste concret de secours. Il ne s’agit pas tant d’avoir pitié que de prendre en pitié. Lunatique, pour dire épileptique, car on mettait en relation les crises d’épilepsie avec les changements de lunaison.
            ♦ v. 16.- Je l’ai amené… mais ils n’ont pas
pu…
Jésus a conféré aux apôtres le pouvoir de guérison et d’exorcisme (10,1). Les disciples de Mt sont souvent la figure des membres de l’église matthéenne ; leur impuissance est expliquée ici par leur manque de foi.

            ♦ v. 17.- Jésus leur dit : Génération… Ce verset est le nœud de la péricope. Le contexte montre que Jésus s’adresse à la fois au père du malade, à ses disciples et à la foule qui l’entourent. Dans l’impuissance de l’home devant la maladie, Jésus décèle une misère encore plus grave : son impuissance à croire, qui atteint toute cette génération : aux hommes spécialement aux Juifs du temps de Jésus, que rien n’empêche, cependant, de considérer comme figure typique de l’humanité entière. L’adjectif άπιστος (àpistos, sans foi) avec le substantif όλιγοπιστια (oligopistia): « le contraire de la foi », car pour le N. T. le contraire de la foi est le doute ; il ne saurait se trouver entre la foi et le doute, une sorte de neutralité.

            Génération « sans foi » et « pervertie » : « et » au sens explicatif : le manque de foi donne comme résultat la perversion. La conception matthéenne ne connaît de perversion humaine plus grave que cette impossibilité historique de croire à celui qui sauve par le Christ.

            La formule deux fois répétée jusqu’à quand signifie pourquoi si longtemps ? Ces mots du Christ matthéen expriment l’indignation prophétique de l’homme de Dieu devant l’aveuglement de ceux qui nient Dieu et son salut.

            ♦ v. 18.- Jésus l’interpella…Mt insiste sur la royale autorité du Christ malgré l’impuissance des hommes. La comparaison avec les parallèles montre que la terminologie de guérison varie considérablement d’un évangile à un autre tandis que les paroles du Christ concordent pour l’essentiel : c’est la preuve qu’elles paraissaient plus précieuses et sacrées aux premiers catéchètes chrétiens que le fait même du miracle.

            ♦ vv. 19-20.- Les disciples réapparaissent ; preuve que les paroles ne s’adressaient à eux, ou pas seulement à eux. Question : mis nous, que tu as autorisé et envoyé à guérir ? En tant que représentants du Christ et témoins du règne de Dieu déjà inauguré, les apôtres ne devraient-ils pas toujours pouvoir guérir ? Le Christ de Mt, attribue cette impuissance à leur incrédulité. Plus qu’une défaillance, le mot signifie une absence de foi. Il faut remarquer que dans Mt : le fait qu’ils doutent ne les empêche pas d’être des disciples, ne les exclut même pas su cercle des apôtres ; attention !, mais aussi : le fait qu’ils sont disciples ou apôtres ne les préserve pas de douter. Le manque de foi ne concerne pas « l’existence de Dieu » mais la personne historique du Christ et du règne qu’il vient d’inaugurer.

            La graine de moutarde n’illustre que le peu de foi que les disciples n’on même pas.
La montagne symbolise la suppression eschatologique de tous les obstacles ; mais ici n’est qu’une hyperbole illustrant, non pas tant la puissance de la foi comme telle que la puissance de Dieu se déployant dans la faiblesse confiante des disciples. La péricope termine par une remarque pédagogique généralisant : rien ne nous serait impossible. La pensée matthéenne serait plutôt la suivante : la foi au Christ n’est jamais générale : elle est toujours vécue à l’occasion d’un obstacle, d’une détresse à vaincre, d’un secours à recevoir.

Passage au rite
            Tout à l’heure nous serons invités à proclamer « le mystère de la foi ». Puisse notre foi être, au moins, comme cette graine de moutarde qui nous permettrait de recevoir le salut apporté par le sacrement de la mort et la résurrection de Jésus.

Pour le Notre Père
            La possibilité de croire est un don de Dieu ; l’acte de croire est aussi un effort de notre part. Demandons de prier avec foi tout en disant les paroles que Jésus nous a apprises.