LUNDI VINGTIÈME SEMAINE
Mt 19,16-22
Introduction
Nous sommes venus rencontrer Jésus ; ce n’est pas la première fois ;
heureusement pour nous. Est-ce que nous avons toujours répondu « oui » aux
suggestions que lui nous faites, à travers sa parole, à travers son Esprit ?
Reconnaissons, peut-être nos manques de confiance.
Pour l’homélie
Contexte.- Les versets de notre évangile sont l’introduction à un
enseignement de Jésus sur les richesses. L’enseignement vise non seulement
un individu étranger à l’Église (16-22) mais surtout les disciples
eux-mêmes, c’est-à-dire les membres des communautés auxquelles Mt
s’adressait.
♦ v. 16.-
Jeune homme, propre à Mt ; allusion aux catéchumènes de l’église
matthéenne ? Mt souligne l’aspect de Maître de Jésus plus que l’aspect « bon
» (de Mc). La vie éternelle, tellement fréquente en Jn, désigne la vie
approuvée par Dieu ; les rabbins préféraient l’expression « la vie de l’âge
à venir ». Pour un juif la question décisive est toujours ce qu’il faut
faire et non ce qu’il lui importe d’être, car la destinée de l’homme se joue
sur son obéissance à la Loi.
♦ v. 17.-
Pourquoi m’interroges-tu… Le bien n’existe pas en soi ; c’est bien ce
que Dieu veut ; seule subsiste donc, pour l’homme, la question de son
obéissance. L’interlocuteur de Jésus, au contraire, en cherchent des
révélations plus hautes ou plus secrètes, nous fait penser, par exemple, à
quelque essénien en quête d’une « connaissance » nouvelle. Garder les
commandements, c’est les rappeler pour les mettre en pratique.
♦ vv. 18-19.-
La question du jeune homme "Lesquels ?" Comme dans un éclair, montre
l’inquiétude religieuse que provoquait la multitude de commandements
traditionnels. Jésus cite quelques commandements pour rappeler l’ensemble du
décalogue par quelques exemples. Mt seul rappelle le commandement de l’amour
au prochain.
♦ v. 20.- Le
jeune homme fait remarquer qu’il s’est efforcé pour être fidèle à la Loi.
Mais, comme tant d’hommes de son temps, il cherchait « autre chose ».
(Le jeune
homme avait tout accompli ? En tout cas pas l’amour au prochain : il gardait
toujours plein de biens, et d’après le récit il avait du mal à partager.)
♦ vv. 21-22.-
Trois questions dont dépend l’interprétation du récit. *) Perfection. En
suivant Jésus le jeune homme a hic et nunc la possibilité s’obéir vraiment
au Dieu qu’il a voulu toujours servir. **) Quelle est la relation entre
l’ordre de vendre ses biens et le suis-moi ? Ce qui est décisif c’est de
suivre (vends pour me suivre) ***) Mt comprend-t-il l’ordre de pauvreté
comme un règle générale valable pour tous ceux qui veulent le suivre ? Non,
sans doute ; à l’appui, tant d’appels où l’appel de Jésus n’est pas
accompagné de cette exigence préalable. Cependant, dans la pensée
évangélique, la richesse est une des « possessions » les plus contraires à
la vue chrétienne.
Passage au
rite
Jésus a tout
vendu (même sa vie) et donné aux pauvres que nous sommes. Dieu lui a donné
ce nom qui est au-dessus de tout autre nom. Nous allons rendre présent à
nouveau ce mystère. Puissions-nous suive Jésus pour partager aussi sa
gloire.
Pour le Notre
Père
Le jeune
homme vivait comme un bon juif de l’Ancienne Loi – que n’est pas mal du tout
– mais il lui manquait de suivre Jésus. Puissions-nous le suivre en récitant
et surtout en vivant la prière du Notre Père.
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MARDI
VINGTIÈME SEMAINE
Mt 19,23-30
Introduction
Préparons-nous à entrer dans la célébration ; c’est une entrée sacramentelle
dans le Royaume de Dieu. Il faut être pauvre… non seulement d’argent, mais
aussi de tout péché. Que le Seigneur nous accorde cette pauvreté.
Pour l’homélie
Contexte.-
Deuxième (23-26 : intervention de Pierre tout de suite interprétée par
Jésus) et troisième (27-30) parole de Jésus sur l’avenir des «
premiers et des derniers », de son enseignement sur les richesses.
♦ v. 23.-
Un riche difficilement… Il est plus difficile de donner les richesses
aux pauvres que de les remettre à l’organisation religieuse (de règle chez
les esséniens).
♦ vv. 24-25.-
Il est plus facile à un chameau… Les expressions suivre Jésus, entrer
dans le Royaume des cieux, être sauvé sont équivalentes. « Le chameau et
l’aiguille » : il s’agit bien ici d’une aiguille à coudre : l’image était
connue dans l’orient ancien et désigne quelque chose de tout à fait
impossible. Il ne s’agit ici d’un jugement de valeur général sur les riches,
que Jésus a souvent aimés, mais d’une constatation et d’un avertissement.
♦ v. 26.-
Pour les hommes, c’est impossible… Ce qui est impossible c’est le salut
des riches, non le salut en général. L’histoire évangélique et celle des
premières communautés chrétiennes montrent assez cette puissance de Dieu
dans le ministère de Jésus et des apôtres, pour le salut des riches.
♦ v. 27.-
Voilà que nous avons tout… L’intervention de Pierre ouvre le dernier
rebondissement de la péricope, qui est une application aux disciples.
♦ v. 28.-
Amen, je vous le dis : … le monde nouveau… Le mot renouvellement
(παλιγγενεσία, palingenesia) apparaît seulement ici et en Tite 3,5 (Il
nous a sauvés non en vertu d'œuvres que nous aurions accomplies nous-mêmes
dans la justice, mais en vertu de sa miséricorde, par le bain de la nouvelle
naissance et de la rénovation que produit l'Esprit Saint); il ne faut
pas lui donner le sens de régénération personnelle par le baptême. Il s’agit
de la création nouvelle de la Palestine et du monde entier, que l’espérance
juive attendait. Notre texte rapproche intentionnellement les douze apôtres
des douze tribus. Méprisée aujourd’hui, la petite troupe de Jésus et de ses
disciples connaîtra bientôt la joie d’une victoire définitive. L’esprit de
vengeance et de propre justice n’apparaît pas dans les mots de Jésus,
contrairement aux textes esséniens analogues.
♦ v. 29.-
Et tout homme qui aura quitté… La promesse s’adresse maintenant à
quiconque quittera tout pour suivre Jésus, ou confessera son nom. Par
rapport à Mc, Mt supprime des promesses relatives à la vie présente.
♦ v. 30.-
Premiers/derniers – derniers/premiers. L’accent porte sur le mot πολλοί
(polloi): fort nombreux seront ceux qui, privilégiés et considérés
aujourd’hui, seront alors jugés différemment. Notre texte affirme surtout
que beaucoup de situations qui paraissent acquises seront renversées ; la
menace pèse sur tous indistinctement, même sur ceux qui se font une gloire
d’être aujourd’hui les derniers.
Passage au
rite
Il est impossible de faire un barème de ce qu’il faut donner pour suivre
Jésus. Chacun là où il est doit lui donner « simplement » son cœur. Comme
Jésus nous l’a donné en le donnant au Père.
Pour le Notre
Père
« Que ton
Règne vienne » et que nous puissions y appartenir. Prions comme Jésus nous
l’a enseigné.
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MERCREDI
VINGTIÈME SEMAINE
Mt 20,1-16
Introduction
Nous sommes
au début de la journée ; nous n’avons pas commencé notre travail. Cependant
le Seigneur va nous donner le denier de la vie éternelle. C’est juste ?
C’est injuste ? C’est généreux ! Pour les fois que nous avons marchandé avec
Dieu, demandons pardon.
Pour
l’évangile
Contexte.- Le
dernier verset de notre évangile (Les derniers seront premiers, et les
premiers seront derniers) est plus condensé et polémique que celui d’hier
(Beaucoup de premiers…). On voit clairement que les ouvriers de la onzième
heure qui, appelée les derniers, sont les premiers à goûter la souveraine
bonté du maître de la vigne (v. 15). Si les premiers ouvriers s’étaient
aussi réjouis ensemble de cette générosité royale, tous les ouvriers eussent
été ensemble au premier rang ; ce sont leurs murmures de jalousie
(έγόγγυζον, egonydzon) qui les ont fait reculer au dernier rang. Cette
parabole est centrée donc (au dessus de toute autre interprétation) sur
l’affirmation de la souveraine bonté de Dieu qui accueille, par Jésus
Christ, les tard venus au Royaume de Dieu.
♦ v. 1.- À
l’époque de Jésus le pays traversait une grave crise économique et le peuple
des ouvriers de campagne, anciens propriétaires ruinés, s’était multiplié.
♦ v. 2.-
Il se mit d’accord… Le denier, salaire normale d’une journée. Le maître
passe un accord (v. 18,19 : deux ou trois se mettre d’accord pour prier)
avec les ouvriers ; il n’impose pas le prix.
♦ vv. 3-4.-
Sorti à neuf heures… Ces versets insistent sur l’initiative
souveraine d’un propriétaire assez riche pour partager.
♦ vv. 5-7.-
…de nouveau à midi… vers trois heures… vers cinq heures… Les ouvriers
engagés à la dernière heure ce sont ceux que personne ne prend plus garde à
eux ; à cette heure tardive, on n’espère même plus être embauché. Tels
étaient les « pécheurs » au temps de Jésus, abandonnés par les pharisiens
comme les esséniens.
♦ v. 8.-
Le soir venu. La tombée du jour (12ème heure = 6 heures après midi)
allusion au temps du jugement. Le contremaître (έπίτροπος, epitropos) est
probablement la figure du Christ. Le récit est construit à rendre
vraisemblables les murmures des autres ouvriers.
♦ v. 9-10.-
Ceux qui n’avaient commencé qu’à cinq heures… La vue de ce que
touchent les derniers d’éclanche l’imagination des premiers.
♦ v. 11-12.-
Ils récriminaient… Ce murmure apparaît souvent dans le N. T. (Lc 5,30
: discussion sur manger avec… ; Jn 6,41 murmures en entendant Jésus sur le
pain de la vie…). Il est le fait : *des adversaires de Jésus ; **) des
membres des premières églises. C’est la protestation instinctive de l’homme
privilégié contre la grâce accordée à ceux qui n’ont rien.
♦ vv. 13-15.-
Mais le maître répondit à l’un d’eux… Voici ce que l’on pourrait
appeler « le paulinisme matthéen » Par le ministère de Jésus, la bonté
souveraine de Dieu comble les païens et les pécheurs qui, vers les années
80, affluaient vers les églises syro-palestiniennes au grand scandale du
judaïsme rabbinique ambiant. Le mauvais œil servait à désigner le mouvement
de jalousie et de colère de l’homme tout entier, conformément à
l’anthropologie totalisante de l’A. T.
Passage au
rite
La parabole met en rapport « le mauvais œil » de premiers ouvriers avec la
bonté du Maître (« parce que je suis bon »). Comment a été reçue la bonté de
Jésus ! Passons, avec lui, par le creuset de la passion avant d’arriver au
bonheur du Règne.
Pour le Notre
Père
« Donne-nous
», « Pardonne-nous », « Ne nous soumets pas »… toujours « nous » jamais «
moi ». Impossible de se désolidariser ni devant Jésus ni devant le Père, ni
devant les frères.
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JEUDI
VINGTIÈME SEMAINE
Mt 22,1-14
Introduction
Dieu le Père n’est pas un juge aveugle il juge avec amour et selon les
circonstances de chacun. Nous avons été invités, nous avons répondu. Si par
hasard nous n’étions pas habillés comme il faut, il ne s’agit pas de partir,
mai se convertir.
Pour l’homélie
Contexte.-
Cette parabole suit celle des deux fils (vv. 21,28-32) et des vignerons
révoltés (vv. 21,33-46). Pour bien comprendre il faudrait la lire comme en «
superposition » de trois contextes superposés : *) le cadre biographique de
Jésus ; **) le contexte ecclésiastique où la parabole a été fixée ; ***) le
contexte littéraire de Mt.
En lisant
avec Lc : * même préparation du festin ; * même envoi des serviteurs à
annoncer ; * même refus des invités ; * même colère ou indignation du maître
; * même invitation à des foules insolites ; * même condamnation des
premiers invités. Mt ajoute les vv. 11-13 qui sont une nouvelle parabole.
Probablement les deux textes parallèles ne sont pas issus d’une source
littéraire commune ; ils sont trop différents pour cela ; mais ils ne nous
présentent pas moins deux versions d’une même et unique histoire.
♦ v. 1.-
Leur dit à ceux qui ont entendu les deux paraboles précédentes : les
chefs des prêtres et les Pharisiens.
♦ v. 2.-
Le Royaume des cieux est comparable… Le royaume n’est pas semblable à un
roi ; mais dans le royaume inauguré par le Christ il se passera ce que la
parabole va raconter. Noces au pluriel, car il s’agit de festivités
prolongées. Le fils du roi : peut-être les auditeurs chrétiens pensaient à
Jésus.
♦ v. 3.-
Ses serviteurs. La pluralité des serviteurs fait penser à la parabole
précédente. La réponse à l’invitation est une décision volontaire.
♦ v. 4.-
Il envoya encore… Il s’agit d’un festin royal que le Roi lui-même a pris
soin ce faire préparer.
(Par rapport au mot préparer, cf. Mt 3,3 (Une voix crie dans le désert:
‹Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers›); 25,34 (Venez,
les bénis de mon Père, recevez en partage le Royaume qui a été préparé pour
vous depuis la fondation du monde) ; 26,17(Où veux-tu que nous te
préparions le repas de la Pâque?); 26,19 (Les disciples firent comme
Jésus le leur avait prescrit et préparèrent la Pâque).
♦ v. 5.- Ne
se soucièrent de rien, c’est de la négligence coupable ; de l’indifférence
au sens fort du mot.
♦ vv. 6-7.-
…les autres… …le roi se mit en colère… Ils forment un tout. Ils
apportent une note inattendue de violence. (Allusion à la première révolte
juive ?)
♦ vv. 8-9.-
N’en étaient pas dignes. Leur indignité, c’est leur refus. L’accent
porte sur tous ceux que vous trouverez. Ces mots expriment la visée
universaliste et missionnaire si accentuée chez Mt.
♦ v. 10.-
Les serviteurs… rassemblèrent… les mauvais comme les bons. Les nouveaux
appelés forment la vraie synagogue (rassemblement) de Dieu. On pense à la
parabole du filet. Les méchants ; le contexte matthéen fait penser aux
méchants au sens absolu qui seront rejetés le jour du jugement. (Simplement
à l’opposé des règles de Qumram).
♦ vv. 11-14.-
Le roi entra pour voir les convives… Ces versets propres à Mt son
certainement une correction à une version trop libertine des vv. 1-10. La
grâce de Dieu est gratuite, mais la grâce de Dieu oblige.
Qu’est-ce que
ce vêtement de noce ou du Royaume ? Ni la foi (protestante), ni les œuvres
(catholiques), mais la justice dont les ch. 5-7 donnent quelques exemples.
Le v. 14 doit se rapporter aux 1-10 plus qu’aux 11-13. Il est donc
préférable de voir dans les κλητοί (kletoi), appelés, tous ceux qui sont
entrés dans l’église matthéenne, et dans les έκλεκτοί (eklektoi),
élus, ceux-là seuls qui, se montrant dignes de la grâce qui leur a été
faite, seront les vrais « justes » du royaume.
Passage au
rite
Le vêtement
de service à l’exemple de Jésus : au lavement de pieds ou nu sur la croix.
Il ne s’agit d’aucun modèle à la mode.
Pour le Notre
Père
Chaque fois que nous entendons dire Notre Père il faudrait penser au Père et
aux frères grand cadeau de Dieu. Que notre prière nous aide à mieux
accomplir pour rester toujours dedans.
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VENDREDI
VINGTIÈME SEMAINE
Mt 22,34-40
Introduction
Préparons-nous pour entrer dans la célébration. Examinons notre conscience.
Regardons l’essentiel : où en sommes-nous de notre amour à Dieu et au
prochain. Si besoin, demandons pardon.
Pour l’homélie
Contexte.- La lecture semi continue nous a fait sauter quelques passages de
l’évangile de Mt. Nous sommes avec Jésus dans le Temple de Jérusalem, en
écoutant ses enseignements et les discussions qu’il a eues avec quelques uns
de ses adversaires. [Tribut à César : pharisiens et hérodiens ;
résurrection des morts : sadducéens ; le grand commandement :
pharisiens ; fils de David: pharisiens].
Le légalisme
imposé par la pharisianisme engendrait tantôt la joie sincère de
l’obéissance, tantôt la propre justice, tantôt l’inquiétude chez ceux qui
n’arrivaient pas à satisfaire aux innombrables commandements traditionnels.
Selon la tradition synagogale la Loi comprenait 613 commandements positifs :
365 interdictions, 248 prescriptions. Si tout était Parole de Dieu, les 613
commandements avaient tous la même valeur ? Si non, lequel est le plus grand
? L’originalité de la réponse de Jésus n’est pas dans la citation de Schéma
Israël plus Lv, mais dans leur rapprochement et la place éminente qu’il leur
accorde.
Le piège :
casuistique à ne jamais finir sur les 316…
♦ v. 34.-
Les Pharisiens, adversaires attitrés de Jésus, mais adversaires aussi,
en quelques domaines, des sadducéens ; p. e. sur le thème de la vie au-delà
de la mort. Ici, comme dans tous les récits de conflits, il faut penser ici
autant aux pharisiens adversaires de l’église matthéenne qu’aux adversaires
historiques de Jésus. Les rassemblements sont très fréquents dans Mt, le
plus souvent, n’annoncent rien de bon.
♦ v. 35.- Mc
et Lc parlent de légiste ; Mt, d’un pharisien ; ce qu’il faut comprendre :
un légiste appartenant au parti de pharisiens.
♦ v.36.-
Maître (διδάσκαλε, didaskale) curieusement surtout sur les lèvres
des adversaires de Jésus. L’interprétation demandée est particulièrement
importante puisqu’il ne s’agit pas d’une application casuistique
particulière mais d’une éclaircissement de l’exigence éthique dans son
essence. Sans doute aussi écho des discussions posées à l’église matthéenne.
Le grand (μεγάλη, megale) a valeur superlatif. Quelle est l’exigence légale
capitale, par son contenu ?
♦ v. 37.-
Jésus lui répondit… L’originalité du sommaire de la Loi n’est pas
seulement d’apporter une simplification dans la casuistique juive, ni de
rapprocher les deux parties du Sommaire pour en faire un seul commandement
(ce qui est certes capital) mais de « radicaliser la loi » et « en excluant
toute obéissance légale qui ne serait pas soumission totale à Dieu et
service au prochain ». Il s’agit donc moins d’une simplification par
suppression des ordonnances secondaires (auxquelles Jésus et ses disciples
se soumettaient) que d’un rappel de leur sens et de leur enracinement dans
la volonté de Dieu. …de tout ton cœur… cet amour ne peut être que total,
c’est-à-dire mobilisant toute la personne. D’ailleurs, en vertu de
l’anthropologie globale présupposée ici une seule de ces mentions (p. e. le
cœur) aurait suffi à engager tout l’homme ; les autres relèvent de la
rhétorique.
♦ vv. 38-39.-
Grand et premier ; "et" est explicatif non additif. Ce
commandement est le premier en importance parce qu’il est le plus important
par son contenu, et vice versa. L’adjectif πρώτος (protos, premier) ne
signifie pas ici le premier de plusieurs, mais le premier de tous quant à la
signification, celui qui donne leur vraie signification à tous les autres.
En
conséquence le deuxième qui lui est semblable signifie un deuxième
commandement aussi important que le premier ; le deuxième commandement n’est
pas comparable, ni analogue au premier, mais égal à la gravité de ce qu’il
prescrit ; par ailleurs, il n’est pas non plus identique au sens
d’interchangeable.
Comment
comprendre les mots "comme toi-même" ? Dans ce contexte, ils ont
probablement le même sens que les expressions de tout ton cœur, toute ton
âme, toute ta pensée du premier commandement : l’amour du prochain doit
mobiliser la personne tout entière, tout comme doit le faire le service de
Dieu.
♦ v. 40.-
Tout ce qu’il y a dans l’Écriture… Le Jésus matthéen, plus encore que
celui de Mc ou Lc, résume toute la loi et les prophètes dans ces deux
commandements. Jésus réinterprète ces Écritures en en révélant la
signification foncière. Toute la loi et les prophètes seraient suspendus à
ces deux commandements. La volonté divine trouve son expression décisive qui
donne sens à toutes les autres ordonnances.
Passage au
rite
Cet amour
total à Dieu et aux hommes a conduit Jésus à la gloire en passant par la
croix. En participant à l’eucharistie essayons d’assimiler ce courage de
Jésus de tout faire par amour.
Pour le Notre
Père
La prière de
Jésus nous rappelle, par ses deux premiers mots, le double commandement :
Père (l’amour au Père) ; notre, « ton prochain » (parce, c’est en frères que
nous prions).
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SAMEDI
VINGTIÈME SEMAINE
Mt 23,1-12
Introduction
Jésus avait
dit : « Je ne suis pas venu me faire servir, mais servir, et donner ma vie
pour la liberté de l’humanité ». Voilà comment il a accompli sa propre
parole : « Le plus grand sera votre serviteur ». Nous rendons présent ce
service que Jésus nous a rendu. Comment en profitons-nous ?
Pour l’homélie
Contexte.-
Pendant quatre jours, jusqu’au mercredi prochain inclus, nous proclamerons
presque en entier le chapitre 23 de Mt. Depuis le ch. 21 (Entrée de Jésus à
Jérusalem) la tension avec les chefs du peuple ne cesse de croître jusqu’à
ce chapitre 23, où elle déborde enfin en invectives d’une violence qui a
toujours étonné les lecteurs et les commentateurs. Ce chapitre a vu le jour
dans une Église encore en discussion avec les chefs du judaïsme ; peut-être
pourrait-on ajouter : dans une Église de judéo-chrétiens qui pensaient
encore pouvoir suivre simultanément l’enseignement des scribes et celui des
catéchètes chrétiens. Ces vv. 1-36 ne développent pas un thème unique : *)
D’abord un portrait polémique des scribes et des pharisiens (v. 1-12) ; **)
Puis une série de lamentations à leur sujet (v. 13-31) ; ***) Puis deux
invectives d’une rare acuité (32-33) ; enfin une sorte de prophétie
terrifiante dans laquelle le Christ matthéen fait savoir à ses
interlocuteurs qu’il va les prendre au piège de leur propre fureur (v.
34-36).
♦ v. 1.-
Jésus déclara… Jésus n’attaque la doctrine pharisienne par elle-même ;
il se place entre le peuple et ses chefs traditionnels pour contester
l’autorité des seconds sur le premier. C’est cette contestation, sans doute,
plus encore que des point particuliers de doctrine, qui a conduit Jésus à la
mort. Il était un adversaire direct luttant pour l’ensemble du peuple de
Dieu. Mt devait de s’expliquer aux chrétiens pourquoi Jésus fut conduit à la
croix précisément par ces pharisiens qui dominaient la vie synagogale de son
temps.
♦ v. 2.-
Les scribes et les pharisiens. Mt mentionne les scribes et les
pharisiens (presque toujours). Les scribes de l’époque appartenaient le plus
souvent au parti des pharisiens, mais tous les pharisiens n’étaient pas des
scribes, loin de là. Jésus n’attaque ni l’institution du rabbinat en
elle-même, ni des hommes qu’il accuserait d’être de faux scribes. Ses
reproches portent sur un autre point, on le verra. La chaire de Moïse est
celle des rabbis, chargés d’explique et d’appliquer la Loi de Moïse. (Les
expressions Moïse et Loi de Moïse étaient équivalentes.
♦ vv. 3-4.-
Pratiquez et observez… La première accusation de Jésus contre ses
adversaires est celle de l’inconséquence. Leur enseignement est valable ;
ils sont les enseignants ordonnés pour le peuple ; ce qu’ils disent n’est
pas faux. Les verbes faire et garder ont la même signification. Leurs œuvres
désignent toute la conduite des pharisiens, l’ensemble de leurs actes. Les
scribes et les pharisiens ne sont pas les modèles du troupeau qu’ils
devraient être. Ici, les deux verbes lier et placer sur les épaules sont une
allusion aux collections de prescriptions rabbiniques pour être imposées aux
hommes. La tradition rabbinique connaissait bien le thème du « joug de la
Tora » ou du « joug du Règne des cieux » dont l’israélite fidèle se charge
avec joie. Ce fardeau n’est pas proposé par Dieu aux hommes, mais par un
rabbinat indigne ; ce n’est pas ni l’impuissance ni la faiblesse des
pharisiens qui est dénoncée, mais leur mauvaise volonté.
♦ vv. 5-7.-
Toujours pour être remarqués… Ces versets développent la deuxième
accusation : les pharisiens font tout « pour être vus des hommes ». (Même
idée qu’en 6,1-6). Phylactère dans la piété juive du temps de Jésus, ce sont
de petites boîtes carrées de parchemin ou de peau noire de vau renfermant
des bandes de vélin sur lesquelles sont inscrits quatre textes bibliques.
L’homme juif en porte une sur le front et une autre sur le bras gauche le
matin des jours ouvrables à l’heure de la prière. Notre texte fait allusion
à une coutume des juifs bigots qui portaient des phylactères toute la
journée en s’adonnant à l’étude de la Tora, et en élargissant les bandes
pour les rendre plus visibles. Dans le judaïsme de l’époque mathéenne il n’y
avait guère de personnes plus importantes que les membres du rabbinat. Les
salutations jouaient un grand rôle en orient : c’était une des premières
choses que l’on enseignait aux enfants juifs : « Paix te soit, mon
professeur et mon maître ! »
♦ vv. 8-10.-
Pour vous, ne vous faites pas donner le titre… Avec ces versets le
ton et les interlocuteurs du Christ changent complètement. Ces versets
paraissent s’adresser contre une tendance à une sorte de rabbinisme
chrétien. En comparant ces versets aux instructions du ch. 18, on pourrait y
voire un embryon de règle pour la vie communautaire décrivant un esprit
général de fraternité, plutôt qu’en excluant positivement toute espèce de
responsabilités hiérarchiques dans l’Église. Ils veulent démasquer
l’autoritarisme hypocrite et la vanité religieuse. L’autoritarisme n’est pas
seulement un travers de caractère mais une usurpation des droits du Christ
sur son Église, car ce didascale unique est ici certainement le Christ. La
pensée paraît être celle-ci : vous n’êtes pas liés par une adhésion toute
humaine à un rabbi, ni même par une commune soumission à une doctrine
nouvelle, si sublime soit-elle ; vous êtes frères par votre appartenance au
seul vrai Maître. Remarquons qu’ici encore l’accent porte moins sur la
négation de toute autorité dans l’Église que sur le danger d’en faire de
grands personnages usurpant l’honneur dû à Dieu et au Christ.
♦ vv. 11-12.-
Le plus grand parmi vous… Ces versets n’ont pas de lien clair avec ce
qui précède. Dans ce contexte seulement le v. 11 est dirigé contre
l’autoritarisme et la vanité des pharisiens. Dans les évangiles le thème du
service revêt un accent incomparable du fait qu’il est rattaché au « service
» du Christ. L’idée d’abaissement doit être interprétée par celle de
service. Au sens de l’évangile, personne n’est plus actif ni plus heureux de
l’être que celui qui sert. Les futurs des cinq verbes sont à la fois jussifs
et eschatologiques. Les juifs de l’époque de Jésus n’appliquaient pas l’idée
d’abaissement à celle du service.
Passage au
rite
La célébration de la messe n’aurait de sens sans cet esprit de fraternité et
de reconnaissance de la présence de l’unique Maître qui préside
sacramentellement. À chacun de se placer comme il faut.
Pour le Notre
Père
Prions comme notre Père l’unique, qui mérite en vérité ce nom, tel que Jésus
nous l’a enseigné.
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